vendredi 19 août 2016

Vieux Sangs 2

 Y’ a celui qui croit pouvoir mourir d’autre chose en dix ans … Et y’a ceux qui n’imaginent pas s’en tirer pour leur compte ! Et y’a « patron », qui s’en fiche, vous en calcule plein la vue, s’enchiffre chez gros zéro, son meilleur client en-dessous du niveau de sa mère banque. Toujours juché sur son instrument à roulettes, il soulève des charges comme si elles eussent étés de simples étendards, fait rouler sa bille sur les pommes de son négoce … C’est exact qu’il est commerçant et il ne ressent plus aucune honte à l’idée d’en rougir un peu pour ses amis.

 Et dehors, le bleu méchant claque comme la langue ridicule de la vieille baderne à chaque ouverture de la porte électrique. Cogne à coups de poings de pluie contre l’asphalte innocent, présumé, seulement !

 Et dans le bureau, d’enfants point ! Toute émotivité rentrée au fond des gorges, chevrotent de leur voix-son incomplète les ordinateurs de style dix-neuf cent, pour ne pas prononcer d’injure ! 

 Et y’a frère de « patron » qui croque une pomme par délicatesse, pour avoir l’air de penser à autre chose, quand il songe à ses morts … Ou à sa mère, strictement dépouillée, dans sa demeure aux bruits renfermés, dans ses échos de cloître mal famé, son mur mitoyen, mi doyenne ! Collé, ventousé à celui de l’entreprise … Afin que rien ne lui échappe, même par sous les grilles ou les conduites d’aération !

 Et dans le fourmi-mac de l’usine à fruits, y’a moi, un gens du nord, qu’a dans les zieux le meuuuuuuuuh ! qui manque à son décors … (Quand y regarde passer les trains qu’il se rate par plaisir, le dimanche en faisant l’nique à l’horaire …)

 J’chuis çui qu’a pas fait « LA étude » ! Mais qui s’en fich’ quand même, sauf si, mais j’y entre pas par là dans les z’histoires de fric ! Et le cousinage, j’ai pas connu ! Dans ma famille, on est tous consanguins ! Par ma mère !

 Pas encore plombé par la bouteille, devrait plus trop longtemps m’évincer ce vice-la … J’ai dans l’idée, déjà, de me psychotroper l’fox pour les vacances au chaud d’la bouillotte sans les inconvénients du sexe … Bien, non ?

 Quoique, en attendant le déclic de la gifle, j’me claquemure seul, boulotte à la chaîne en feignant n’avoir pas compris qu’il s’agit de mon existence, qui se noie dans cette non-vie.

 J’ai le vaste projet d’m’enfoncer en forêt … Si j’révolutionne pas avant la force des choses … Qu’est-ce ? J’ai vague, surtout, projet parfois ! Je mens pour tenir bon, tenir tête, hors de l’eau, hors de tête ! 

 Dans le style assassin, j’ai pas exactement le profil, faute de coupant dans le virage de la lame, en épluchant une pomme … Jaugez-vous, en suivant mon exemple, vous m’en direz des nouvelles ! 



(Mercredi, 29 janvier 2003)

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