dimanche 24 janvier 2010

Fosse Commune


Je ne comprends pas pourquoi maman ne vient pas me consoler à la fin du meurtre. Un chien aboie dans la cour. Présomption d’innocence. Dois-je compter sur mes doigts ces heures du soir où rien ne se passe. Je ne me décourage pas elle arrive bientôt. Dans le bac à eau au cœur des ténèbres je noie un poussin. Etre seul. Je préfère être mal accompagné. La fille obèse je lui promets d’aller entre ses cuisses en train si elle m’autorise à dormir chez-elle où il fait blond. Je l’observe à la dérobée. Bande la locomotive. Ma logique du rail. Je remplis l’abreuvoir des Fauves de Bourgogne. Mes animaux familiers. Je n’ose pas en faire mes démons. Ça n’est pas sorcier. Trente-six heures que je suis assis dans une cellule. La basse-cour. Je traverse chaque homicide sans regarder à gauche et à droite l’enfance se faire écraser. Je m’enivre. Ou je casse le nez d’une telle. N’ingurgite de toute façon jamais assez pour jouer un vrai rôle. Brut. Je plaide non-coupable. Accuse un lapin. J’ai un bon alibi. Je suis demi-dieu sous ma mère depuis toujours. Je ne tiens pas à éveiller les soupçons. Je peaufine le fantasme. Aucune loi ne m’oblige à inventorier le contenu de mes gestes. J’ai la généalogie mouillée sous moi. J’en retire des prénoms emmêlés. La famille humide. Je couve un drôle de nègre rarement de sots métiers. Je passe la main à l’érection. Un minimum de fantaisie. Dans le jardin de mon père je creuse une fosse pubienne. Ses lilas y fleurissent. J’entends la sœur au bras de lait évoquer l’entrave phallique. L’amour va bientôt nous tomber dessus. J’ai besoin d’un bon déguisement de fornicateur. Et d’éjaculer du gravillon raide. Sans aide mes crimes ne sont pas nets.



Je suis accusé de l’éducation de sept enfants. Une faiblesse humaine. Mon seul objectif étant de les empêcher de tremper à l’endroit midinette de leur mère. Femme que je comble. Pas question de lui permettre gaieté primesautière sans réagir. Je la sors occasionnellement de sa dépression pour la placer sous grossesse. Neuf mois acquis de conscience à l’actif de ma libido. Pendant lesquels j’exhume les grands animaux de la raison. Pour faire de l’espace. J’éduque façon pédomètre. J’additionne leurs pas dans le séjour avec interdiction de dépasser un nombre carré. J’éponge leurs larmes ils me doivent bien ça. Aujourd’hui je fournis les clefs d’une maison et l’alcool qui l’illumine. Ils effacent mes traces. L’atavisme familial. La dégénérescence descend du singe. J’insiste. Du singe. Pas de moi. Je concours au renouvellement du sang – qui noie le poisson. Peu à peu enveloppe mes gestes d’oubli. J’accepte de répondre à votre inspecteur s’il se montre indulgent. Exact que j’estime malaisé – en vingt ans par tête de pipe – d’imposer tous mes fantasmes. Je ne critique pas c’est à ma décharge. J’ai un alibi bien sûr le travail huit heures par jour cinq jours semaine. En dépit de cela je suis encore apte pour paralyser ce qui flue. Bloquer la gésine. Interrompre les croissances. Avec le souci constant de parfaire. Faute de grives je mobilise la famille autour de la béance. Attention je reste inflexible. Défense de s’y engouffrer. Qui touche paye je martèle l’adage. La bonne aventure n’est pas du ressort de notre Œdipe. D’ailleurs je n’écoute plus ni les excuses de basse-cour ni le râtelier des prétextes à vivre. Pas d’arrogance moi je décline. Je n’admets plus qu’un mort-né par gestation. Une érection par descendant.



J’en parle à Lola l’octogénaire. Et je l’entends m'exhorter à la méfiance. Je sais qu’elle a des raisons d’avoir peur. Je suis une femme aussi. Bien que ça ne soit plus la même culotte. J’augure la salauderie. Pas pour dire mais je l’appelle le belge. Tout à fait ça. Le macaque. Fichu hors du pays par son gouvernement je le subodore. Pour le massacre des membres de sa famille. Ou parce qu’il est séropositif. Je ne suis plus dans le secret des dieux. De sa faute. Je laisse ma fille le recueillir et il l’engrosse ipso facto pour échapper à toutes poursuites. Je crois. Enfin maintenant je n’ai plus de temps pour l’église. A peine la Sainte-Vierge et encore la négresse. Pas l’accorte au cou des espagnols. C’est que je trimballe partout ma petite-fille pour la protéger de l’amour de son père. J’ai un chapelet malgré tout. Et des pastilles mentholées pour la mauvaise haleine. A cause de la gosse. Deux fois dans ma vie je remets le couvert. J’élève mes enfants. Seule. Je fais de la couture pour mes voisines. Pour l’infirmière. Pourquoi avoir de la rancœur si elle épouse un monsieur. Moi je ne retiens personne. Mes seins basculent sur mes genoux. J’accepte mon calvaire les épreuves qu’Il m’envoie. Je suis l’Elue. Perçois un peu d’argent. Je ne réponds rien à Lola qui me tarabuste avec ses craintes. J’acquiesce. D’accord il faut l’empaler. Lui foutre un manche de brosse dans le rectum pour l’empêcher de nuire. Je défends ma petite-fille bec et ongles. Je jette sa bite aux chats. Je ne pleure pas il pleut déjà à l’enterrement de Lola. Je maudis un peu ma fille pour faire bonne mesure.



Ma vie. Quatre entrées et une porte de garage. Des journées d’un seul élan. Mon plein mon trou mon homme. J’en bannis untel. Mon frère. Toujours à ressasser une enfance brindezingue dans le rectangle miroitant de notre mère. Je ne suis plus dans le déni ou dans la dette. Culpabilité n’a qu’à bien se tenir. A la main courante mais pas à la mienne. Elle arbore l’anneau. Tic-tac-tic-tac-tic-tac. Pour tout principe de réalité. Je refuse que mon langage se heurte à des résonnances. Me sens plus nue que moi-même dans une chambre d’échos – en présence du père. Ma douce aversion. L’Œdipe l’eau sale parricide la sortie. Je n’insinue rien ne confabule pas. J’abats mes cartes maîtresses. Des années de silence maison. Dans l’espace vierge que la parole cède. Pour me rhabiller aujourd’hui printemps quoi de plus concis que l’âge adulte. Les hautes demeures sur la terrasse. Les vacances fleuves à l’étranger. Alouette mon mari je te plume gentille alouette mon homme mon chauffeur. J’exige que tu m’y conduises sans boire à mon con – à mon amour. Qui brille autant dans l’abstinence que dans la pénombre. Je règle le réveil-bureau sur la bombe le matin. Me tiens prête à sauter de la nuit en marche. Psychose à l’heure et puis bonsoir.


(A paraître aux Editions Argol - courant 2010)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire