lundi 12 septembre 2016

très tôt il fut jeté aux chiens (Extrait 3) - Publié dans la défunte Revue Métèque

[…] Les autres étaient pour la plupart d’obscurs courtauds aux traits vaguement précolombiens qui servaient de chair à tout faire et n’étaient sexuellement convoités que pour être loués au poids par camions entiers à des programmateurs de soirées sado-masos alors que moi, si j’avais accédé à l’insistance du boss, il m’aurait exhibé partout et dans toutes les orgies du milieu pédéraste et m’aurait présenté comme une sorte de flamand rose venu d’ailleurs ou un héron auquel les défauts conféraient une valeur exotique. Le traiteur sans doute m’eut-il tenu en laisse ou sur son épaule pour s’assurer que tout le monde jalousait son acquisition. C’eut été sensiblement le même topo avec le fils de l’imprimeur – si je ne l’avais pas planté là en pleine rue – sauf qu’avec lui j’aurais connu l’existence plus raffinée d’une plante grasse et j’aurais reçu en son appartement d’amant et maître les visites de vieillards chevrotant, certes appuyés sur des cannes tant leurs colonnes vertébrales avaient encaissé d’à-coups mais qui seraient venus m’admirer en bavant et avec une envie de me rempoter – insatiable. Par contre, le fait de me frotter à la Tsila était non seulement préjudiciable à ma réputation mais encore à mon intégrité physique. Le gargotier n’avait ni pouvoir ni entregent et, conséquemment, tout ce qu’il manipulait était irrémédiablement putréfié et transformé en putain du Hameau ou en béance populaire dans laquelle les équarrisseurs se déchargeaient les couilles sans même retirer leurs hautes bottes et leurs cirés blancs à leur retour de l’abattoir. Et si ce n’était la fatigue qui les tenait transis dans sa pesante opacité, ils s’en seraient donnés à cœur-joie. Quant à la souillure qu’occasionnait la Tsila, je n’avais qu’à songer à Gato qui suite à son passage chez lui n’avait plus trouvé nulle part de l’emploi mais des quolibets et des doigts toujours prompts à s’enfoncer dans son cul sur le ton de la plaisanterie et avec l’air de ne pas y toucher et avait dû se résigner à accepter un poste de veilleur de nuit dans un poulailler de batterie d’une des plus importantes exploitations avicoles de la région qui lui réglait son salaire en petits clous et en croûtons. Ce qui le contraignait à des trocs infâmes et à perte chez un ferblantier du Hameau et avec un éleveur de palmipèdes qui profitait de la situation pour le violer jusqu’à avoir la chiffe molle et détrempée comme le pain des canards avant de lui refiler quelques deniers de misère qui lui serviraient à s’acheter un kilo de soufflé de couenne de lard qu’il mâchonnerait la nuit suivante en faisant sa ronde entre les cages avec la cire d’une demi bougie lui brûlant le poignet et les doigts. […] 





(2014-2015)

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