CARMEN - (Préface + Extraits)

Préface : en lisant Carmen de David BESSCHOPS

Les mots sont comme des bouteilles à la mer ayant avalé leur tesson et le vin mariné de cette eau est vinaigre qu'il faut boire jusqu'au trente-sixième dessous. Ne restent que culs de bouteilles pour fragments d'équipage. Avec la sécurité sociale dans le dos pour bénéfice secondaire du classement vertical, de la disqualification psychiatrique, tête présumée boiteuse. " Lèche néant ! " Pauvre azur démenti d'étoile. Délire sur foutre avec vue sur moule. Diatribe verbale où les tripes se prennent dans les os, toute éclaboussure reçue. Génie excessif de l'adolescence, brûlant de tout son feu d'un talent furieux. Une écriture d'amble, hymne aux paroxysmes; profération scandaleuse. " Si tu vas à l'orgasme, passe par mes veines ! " " Chacun brise sa petite ampoule de ciguë. " Putain d'auteur ! " On a des blessures au pied de la lettre " à cet âge. " Il faut se l'enfoncer, évidemment, et puis faire avec ! " Contaminant. Sexuel, bordel ! Gigogne et ça cogne. Dur au coin des phrases comme des sculptures de Dali trouées de tiroirs. Ca révolutionne, s'émotionne à gogo. " Dans le sens du mirage et de la nausée. " Ca me rappelle William Burroughs, le style déjanté délibéré, délire à rallonges, la géhenne en bandoulière et l'écolière dans le sac, la main prise dans le sac de son jus. Le Moravagine de Blaise Cendrars, pour le titre ne fût-ce que. " Malheureusement, en cours de route il contracta une insidieuse maladie, et se trouvait à présent couvert de parties honteuses... Qu'il tentait d'éradiquer à la métaphore, sans succès. " " Ils auraient entrelacé de la merde pour fuir l'abstinence... " " Ils se promettaient des choses avec de grands pénis. " Le dernier mot est " poussière " ou si peu. Un beau tueur dans toute son exaspération, sortant de ses gongs par tous les pores de la métaphore rageuse. Un provocateur douloureux. Et des mots la faim jusqu'à plus soif.

Jean-Michel Aubevert, 
juin 2OO6

Extraits :

Eugénie se mouvait douillettement dans le milieu de l’opéra. Une dame d’idées et d’embonpoint, qui évitait l’homme comme la peste ou une maladie de la même race. Grosse et des cerises, elle ne se déplaçait qu’à la hâte dans les voitures de ses élèves. Ils écrasaient le champignon sans crier gare, elle déflorait la chantilly à l’arrière, émue comme lors d’une première…

Son chant sentait l’ail et l’allemand, une tête ou deux ! L’Eugénie, c’était de l’hélium, ou le monde en ballon… Enfant, elle débuta comme baudruche sur les foires du peuple et du pain, elle prit par la suite son élan et l’altitude qui convient à une personne de son poids. Elle lutta pour ses galons, mais ne décrocha qu’un bipède humanisé, long sur pattes n’urinant pas sur ses poupées, qui éprouva un besoin immédiat d’alliance interbouche. La chose fut faite.

---

À l’heure des racines, je suis de la partie… Je retrouve père et mère comme si j’y étais !... Effusions, embrassades, l’amour est dans l’air, surchargé de parfums rances et d’une bonne volonté délétère. On offre de se porter les bagages, d’en avoir gros sur le cœur comme si de rien n’était. De souffrir en silence. De rompre le moule et se faire la belle au sortir du four… À l’heure des racines, je n’ai rien à déclarer et m’en mords les doigts, pour les aider à éclore. Les anthropoflics m’interrogent, et je suis bien obligé de grimacer un brin pour rentrer en contact avec l’histoire. Évidemment, c’est magique. Et ces cannibales, ces bouffeurs d’amnésie s’en retournent à leurs menottes, compter des chattes huées, le ventre accompli, le devoir au repos.

---

« Va vague, entre de bonnes mains !... Dit, vague, ne vois tu rien ? » Ainsi parle notre Roi d’entre tous ! Il a connu la psychiatrie dans le détail, la psychiatrie et ses habitudes gaies et obsolètes, ses cours d’onomatopées et ses bonbons pour le tout ! Son père fut le mien, bonhomme docile qui se cherchait la bestiole sous les ongles et du cholestérol à l’endroit de la pompe, afin d’offrir une justification à ses petites manies d’animal apprivoisé. Son père fut peuple ! Nous n’avons plus rien à craindre… La fonte des bourses déclasse l’avancée des mers. Le ciel se terre. L’individu s’anomalise à force d’hommer sans trêve… 

---

Elle attend celui qui vraiment lui sucera les dés, dans sa nuit opaque et tropicale, celui qui marchera sans effort sur cette sente menant à la goyave de proue… Elle lèche les sels du sol, caresse des pierres, s’exerce à la douceur et à la rudesse, joue feu, puis froid, et esquisse une amorce d’enfer pour amants éléphantiasiques… À minuit, elle se redresse, déçue et heureuse à la fois, caresse ses blessures, et fond du corps sous les draps. Qui viendra rouler sa grosse caisse dans sa gadoue, qui glanera sans licence dans son espoir, qui réduira en poudre toutes ses phrases de perlimpinpin, qui mettra un terme là où son doigt colmate la brèche ? Elle connaît le silence par cœur et ne s’en fait pas une raison !

Livre disponible chez l'auteur ou chez l'éditeur : http://lecoudrier.weebly.com/les-livres.html