mercredi 30 novembre 2016

très tôt il fut jeté aux chiens (Extrait 4)

[...] L’un d’eux serait capable dès le lundi suivant de se mettre à titiller la loyauté toute neuve de la fillette qui n’avait sans doute pas encore eu le loisir d’identifier avec exactitude d’où provenaient les ondes de bien-être qui depuis quelques semaines lui parcouraient en permanence le bas du dos, le ventre et lui bourraient les guibolles de coton. 
Ceci, sans même évoquer le risque que représentait le sénescent qui se postait au quotidien en face du lycée et invitait les damoiselles à s’approcher des bâtons d’eau gelée qu’il brandissait à la régalade comme un athlète omnisports s’apprêtant à se lancer dans des épreuves multiples et qui se frotte préalablement à tout ce qui est susceptible de lui porter chance – en l’occurrence les mains et les avant-bras qui s’engouffraient et tripatouillaient dans la glacière lui servant de chausse-trappe. 
Les potes, ils riotaient méchamment de l’expectative que le gaillard ait perdu son temps et au final ne rafle pas la mise – ce qui ne serait qu’un moindre mal s’il avait eu entre-temps la possibilité de gicler bien dru dans ce qui s'annonçait d’emblée comme un joli con tout rond, riche et odorant. La famille qui se nichait autour avait l’air d’y tenir comme à la prunelle de ses yeux. Les compères avaient tous observés comment la mère halait sa fille par un bras pour la plaquer contre son dos, pratiquement à distance de chaleur humaine. Ce qui n’offrait aucune marge à la jeunette pour se rapprocher de l’élu de son cœur (puisque ses yeux avaient buté dessus) ni pour se démettre la colonne en se retournant pour lui sourire. 
L’élu devait se résigner à la suivre et agiter au bout de son bras une barbe-à-papa ou une pomme rouge glacée dans le sucre, comme un fanal et, surtout, comme la promesse de futures transgressions qui les colleraient l’un à l’autre et les maintiendraient bien serrés grâce au sirop de glucose ou à toutes les sucreries que proposaient les vendeurs du dimanche soir. 
Quelquefois l’élu se rapprochait du marchand de pop-corn qui grillait son maïs dans une structure parallélépipède vitrifiée à l’intérieur de laquelle un air chaud, insufflé depuis la base, faisait tressauter et bondir les grains jaunes et graisseux, jusqu’à qu’ils éclatent en crépitant et déploient leurs moignons d’ailes et leurs silhouettes acéphales, visibles de loin grâce à une ampoule pendue à l'intérieur de la boîte qui illuminait quiconque s’en approchait – l’élu, le cas échéant – comme pour un instantané. La meilleure image que la jeune vierge aurait donc avant longtemps serait celle de son amoureux masquant à sa vue le maïs soufflé qu’elle aimait tant et qu’elle se réjouissait de déguster – pourvu qu’on la libère un peu. 
C’est qu’elle ignorait quelle était la réelle teneur de cette aventure qu’on appelait l’amour et qui dans les télénovelas projetaient de fragiles pucelles dans les bras vigoureux de bruns ombrageux qui passaient à cheval dans le comté et qui n’avaient aucune intention de s’y arrêter plus longtemps que le temps qu’il leur faudrait pour tordre le cou à quelques fomenteurs d’injustice. 
Chez eux des injustices il n’y en avait guère hormis celles qu’un vieil instituteur à la face cramoisie et outrancièrement binoclarde ressortait cycliquement de derrière les fagots – aidé en cela par un obèse avocat de la ville qui avait certainement un intérêt à essayer de fiche la zizanie dans le Hameau – pour émoustiller ses élèves les plus romantiques, qu’il retenait parfois après les leçons pour leur enseigner des poses révolutionnaires à même de leur faciliter l’accès au premier monde ou aux abords du pays frontalier du nord. 
Excepté ce zinzin-là et le fait que sa mère refusa chaque semaine de lui acheter des colliers fuchsias ou des bracelets zinzolins qui détonneraient avec une perfection insolite sur sa peau ambrée, il n’y avait aucune raison qu’un bellâtre ne fasse jamais halte dans son bled. Ainsi qu'elle s'apprêtait à se contenter du téméraire qui s’accrochait à présent à un de ces ballons d’hélium que trafiquait l’astucieux idiot qui depuis tout môme marchandait des produits de seconde main. Quand il n'usait pas d’un triporteur pourave pour reconduire les gens chez eux contre une pièce ou deux ou un repas – dont il ne mangeait jamais qu’une partie et enveloppait l’autre pour sa mère, apparemment malade ou alitée, ou pour de plus mystérieux motifs. En effet, si nul ne la rencontrait, son fils par-contre s’était trimbalé quelques années avec un frérot minuscule qu’il traitait comme un ouistiti et à qui il apprenait d’innombrables trucs et à tirer sur toutes les ficelles qui existaient là où ils habitaient – avant que le gamin ne disparaisse et que la rumeur ne se propage qu’il avait été échangé ou vendu par son frangin. Qui dès après sa disparition était devenu propriétaire d’une petite affaire de location de films de Walt-Disney. 
Elle n’avait pas le choix, notre brunette et, de toute évidence, ça n’était pas le genre de question sur lesquelles elle achoppait. Elle était davantage soucieuse de son chemisier qui n’était pas aussi ajusté qu’il aurait pu l’être ou de son tube de gras à lèvres qu’elle n’osait pas tirer de son sac-à-main en présence de sa génitrice mais qui aurait été bien utile car elle pressentait que ses lèvres en avaient laissé la plus belle part sur l’hostie de la communion, à laquelle elle avait à nouveau participé contre son gré. 
Las c’eut été trop ostensible de se saisir maintenant d’un objet tel que celui-là – d’autant que les mauvaises pensées des gens cloués à leurs bancs auraient pu en être attisées et ils auraient eu tôt fait de colporter à qui-mieux-mieux qu’elle essaimait de curieuses invites pour les mâles du Hameau. Qui n’avaient pas besoin qu'on les émoustille pour se conduire comme des clébards. 
Elle avait compris depuis belle lurette déjà que sa vie aurait à faire l’économie des tous les gestes spontanés ou non-transmis par des instances maternelles ou avunculaires et que seuls lui seraient autorisés les mouvements rigides et solidement corsetés par un ordonnancement ancestral dont nul ne connaissait véritablement l’origine mais que chacun respectait ou feignaient de prendre en compte à l’heure d’emballer son désir ou le feu qu’il avait au cul (soyons précis) dans des atours respectables.[...]


(2015)

mercredi 23 novembre 2016

NAGASKIEV - Roman (Extrait 1)

(-- Roman gentiment recalé à tous ses examens de passage pour cause de délire outrancier, de décalage inadéquat, d’outre-passement des règles du bon goût et de la bienséance littéraire, de rage de vivre plus, plus grand, plus fort, plus démesurément, plus à côté mais à la fois plus en dedans, à contre-compromission et dans le refus absolu de la position quadra-sutra du confort --


[...] 
La réunion fût déclarée officielle. 
Les camarades étaient affublés de leurs meilleures barbes. C’était jour de fête ! Ils avaient reçus des nouvelles de Nagaskiev… Jusqu’à présent, secrètes. Excepté un ouvrage de Cuisine d’Ailleurs, qu’ils étrennaient en cette occasion. 
Quelques journalistes désœuvrés furent loués pour couvrir l’évènement. On leur expliqua ce qu’ils devaient faire. 
Myrte, puce en colère juchée sur un tabouret, se lança dans un minuscule, mais capital, discours. Elle s’exprimait au nom de tous ! Des barbus pour de vrai (c’était un début…), l’applaudirent à tout rompre… Ils voulurent même brûler de l’encens… Cependant, un barbu, pour de vrai également (et postiche à la fois…), s’interposa violemment. S’ils n’en vinrent pas aux mains, c’est qu’ils se civilisaient un peu plus à chaque seconde. Le bien barbé leur fit comprendre qu’ici, ils se trouvaient entre gens véritablement décidés… Pro-Sud jusque dans l’eau du bain ! Et qu’à la rigueur, ils pourraient défendre la Palestine… mais l’encens, non !... Trop taoïste ! En outre, les babas cool l’avaient fichu en l’air en se l’envoyant. Pas sérieux ! Voire pire… 
D’autant plus que pendant ce temps, Nagaskiev mourait radicalement en première ligne ! Lentement, peut-être, mais sûrement. Ça serait franchement indécent ! Par contre, s’ils désiraient adhérer à la Cause comme au cul d’une poêle, il leur était encore loisible de s’inscrire… Nulle cotisation n’était négligeable ! 
Indéniablement cons, les types se firent passer un joint en chantonnant qu’il était né le Divin Encens… Etcetera. Barbu-barbu, le postiche se détourna d’eux… Pas la peine d’insister. 
Au premier rang des rangs qui s’étaient formés par réflexe grégaire de l’assemblée, un comique exigeait qu’on lui parle de la solitude… Il gueulait comme un possédé. Réclamait la solitude. Qu’on la le lui amène ! Sur un plateau ! Il lui couperait la tête lui-même ! « La solitude ! La solitude », scandait-il… Et la foule reprenait en chœur… 
Mais sur son tabouret, imperturbable et haute comme trois pommes, Myrte amorçait son discours… En guise de sarcasme, les journalistes mordaient leur crayon… Myrte débuta: « Camarades, camara-DES, camarades, cama-RA-des, CA-marades, ca-MA-rades, … PoC-PoC !? » 
Etant donné que la majorité des membres du Comité s’attendait à un sabotage de la part de la Sûreté d’Etat, le micro apparemment en parfait ordre de marche la décontenança. Ce sabotage avait fonctionné puisque, lourdement, Myrte chût de son mont de nain comme une feuille morte et qu’un type, à la solde de Dieu sait qui, pou rageur, une paire de ciseaux entre les doigts, s’y hissa et poursuivit à sa place : « Camarades, militants sous Nagaskiev, notre héros qui va aux cieux, je déclare publique la clandestinité !... » 
En arrière-plan, Daniel Pachamama, un chanteur du plus extrême sud des cartes géographiques, tirait dangereusement sur sa longe de chanvre. Ils l’avaient acheté dans un souk à esclaves, histoire de désacraliser le meeting et prouver leurs affinités avec les peuples qu’ils libéreraient ! 
Sur le tabouret, ça ne s’arrêtait plus : « … Nous ne possédons que la jeunesse pour nous immortaliser, méditons-le ! Après, c’est trop tard ! Ça devient de la survie ! Tout le monde en est capable… » 
La camarade s’excusait… Un camarade se levait… De la table-bar au faux public, d’incessantes allées et venues offraient un palliatif intéressant. La camarade s’excusait… Un camarade se mouchait… Un rhume de Là-bas ? Non, des foins ! La camarade s’en excusa… La camarade s’excusait… On se pardonnait bien volontiers ! Les camarades se levaient… La bière ! La camarade s’excusait… Les sanitaires ? Au fond de la cour aux odeurs authentiques ! Des odeurs de Là-bas ? Non, de l’urinoir… On s’excusait… La camarade cherchait son sac à main… Un sac en fibres naturelles ? Non, … un sac en daim ! Elle s’excusait… On la comprenait… C’était sans doute du daim mort ! 
Du tabouret : « … Camarades, quelqu’un parmi vous aurait-il l’amabilité de me monter une bière et des sandwichs au jambon ?... Merci ! Monsieur le ?... Monsieur le présicole de l’agrigant… Merci ! Camarades, notre Cause a besoin d’injustices fraîches, d’horreurs au goût du jour, du récent, du moderne ! Des privations d’ecstasy ! De la musique en dessous de 180 décibels ! Car, entendons-nous bien, si des atrocités vieilles comme le vieux continent, le nôtre, fondent encore, par principe, une révolution, les médias se sont un peu lassés de les retransmettre… L’heure est au sang neuf sur les marches du palais ! C’est pourquoi, camarades, les camarades et moi-même, nous avons entrepris des études prolongeables à souhait… Des doctorats ! Et ce dans des matières n’offrant aucun, j’ai dit aucun ! , débouché sur l’actuel marché de l’emploi !... » 
S’excusant, la camarade appelait son sac en distribuant des bières… 
Le tabouret : « De la sorte, une fois docteurs et superflus dans nos bleus d’ouvriers rouges, nous serons munis d’excellentes et légitimes raisons de casser syndicalement nos gamelles sur la gueule des traîtres qui nous gouvernent ! De notre dignité dépouillés, plus rien ni personne ne sera en mesure de nous couper les voies de l’insurrection !... Je dois vous avouer, mes camarades, que cette stratégie de premier ordre m’a été suggérée par un jeune rédacteur syndical… Un tel Fabristi ! Je décerne à ce plus que frère, au grand absent de ce jour glorieux, ma gratitude sans limite ! C’est encore lui qui nous à démontré, et avec combien de patience, que sans être détenteurs des plus prestigieux diplôme, notre insurrection prolétaire n’aurait absolument aucune raison d’être… Car, et je m’autorise à le citer : Nous mériterions notre sort !!!... Comme n’importe quel ouvrier ! Sa clarté d’esprit et son discernement remarquable, vous en conviendrez en y réfléchissant, ne sauraient être rapprochés que des mêmes qualités d’un autre camarade, notre illustre prédécesseur à tous, qui organisait le coup de poing au fond des poches dans les banlieues minables de Londres le siècle dernier… Et dont le nom et la nationalité m’échappent pour l’instant, ne m’en tenez pas rigueur… » 
La camarade s’affolait. Son sac avait disparu ! Le gars descendit de son tabouret pour participer à la recherche. L’assemblée entière se levait. On lançait des idées en l’air pour voir comment elles retombaient. Sonder des canaux. Passer les corps aux résonances magnétiques. Et cetera. La bière ! Fouillait éperdument la camarade… 
Daniel Pachamama qui était en train de gratter le sol de ses ongles à guitare fut détaché. On le cloua sur le tabouret. La camarade pleurnichait… Pachamama, indécent comme il se doit, rendit des hommages hors de propos… La perte d’un sac de dame, en chevreuil écrasé à demi par une voiture d’enfant ne semblait pas l’émouvoir plus que ça… On découvrit un yo-yo par terre… Ça n’était pas le sac ! Quoique !... Il réconforta malgré tout la camarade en bout de course… Elle l’enroula autour de sa dextre et laissa onduler son désespoir… Toutes ses cartes de crédits, son permis d’incendier et du beau monde, se trouvaient dans la poche ventrale du sac en kangourou rare… Sans compter les clefs d’automobile de sa mère, d’un lointain cousin et celles du vestiaire des vétérans de tir au parapluie d’un club où elle encaissait les marrons chauds… Et les siennes de clefs ! Qui l’ouvraient pour de vrai… 
Inculte ou insensible, plus sûrement les deux, le chanteur n’avait d’autre hâte que d’entamer des refrains à l’oignon de rose, des hymnes à la pauvreté heureuse ou à la misère acceptable, de tous ces slogans vulgaires, prétextes à une stagnation non discutable, que diffusaient sans demander leur reste les veules capitalistes de cette basse sphère. 
Par bonheur, nul dans la salle ne lui prêtait attention… On était en quête d’un sac en peau de chien… Et bientôt, résultat des efforts conjoints, on retrouva le sac en peau de chauve-souris suspendu tête en bas sous une chaise… Scotché à ses côtés, un aviateur anglais d’antan qui n’avait jamais réussi depuis lors à se déplier en parachute !... 
Pour célébrer les retrouvailles, une sangria d’enfer fut concoctée dans une marmite à potion magique… L’aviateur était de la partie ! Et même les agents de la Dureté d’Etat qui sommeillaient pacifiquement dans un fourgon blindé au bas de la rue… Daniel Pachamama, fauteur de troubles mystiques, leur fut livré par les camarades les plus enclins à épurer le système depuis ses entrailles… J’en apprenais davantage à chaque grimace. Un sacré matériel de base. De quoi démarrer à cent trois à l’heure ! C’était parti pour ne plus s’arrêter.
[...] 


(2001-2002)

dimanche 13 novembre 2016

Extrait de : "Tous les castrats s'appellent Peinture Fraîche" (Recueil)



Crispant sa bouche en un museau 
Lui rosissant les lèvres 
Ce n'était ni la chirurgie 
Ni le mascara 
Mais le petit mot SEXE 
Appliqué sur toutes ses réticences 
Il la tractait 
Comme un cheval de bât 
À l'embouchure de tout ce qui palpite 
SEXE 
Déforme les curriculum vitae 
Pressurise les apnées 
Trame ce qui nous tient bouche-bée 
SEXE 
Entre nous 
En guise de cendrier 
Elle me proposa 
D'y faire cramer mon doigt 
Griller un cigare 
Ou grésiller ma verge 
Jusqu'à ce que charbon s'ensuive 
À l'aune de ce qui la décolletait 
Il était légitime de contribuer 
Aurais-je dû mettre SEXE de côté 
Alors qu'elle lui dédiait sa nacre 
Qu'y pâte-levait sa chair 
Et qu'elle me suggérait 
D'y apposer l'oreille 
Et d'écouter la perle 
De ses mouillures stratifiées 
Indurées 
Géologiquement nôtres ?


(Juin 2016) 


dimanche 9 octobre 2016

Le Chien dans la Bouche (Extraits)

[...]


Moi Jésus-Monté-Chien

Je n’ai pas vu le langage couler comme de la lave au jaillir du volcan 
Et dévaster tout sur son passage 
Laissant derrière lui un paysage calciné

Quelquefois seulement j’ai vu 
Comme une petite souris 
Courant d’un trou à l’autre 

Subrepticement 


La langue déambuler dans le texte

Et l’humain si prude 
La renier 

Et prétexter que c’était sa queue


 Qui passait par là 



ЖЖЖ 


Moi Jésus-Monté-Chien

J’ai vu les hommes regagner leur biographie 

Comme on se désaltère dans une flaque de boue

La langue pendante 
Et l’œil humide de reconnaissance 

Avec la conscience provisoire 


De s’y être déjà désaltéré 



ЖЖЖ 


Moi Jésus-Monté-Chien

J’ai vu l’humain s’agripper à son univers référentiel 


Comme un enfant à sa baudruche

Désireux de m’imiter 
Bien que bardé de procédés 
Et de mots dont il n’osait se détacher 
Pour rejoindre une faim propre 

Gouffre linguistique 
Ou nouvel estomac

Soucieux de conserver un parcage 
Où maintenir arable 


Sa portion d’espoir 

L’humain ne tord jamais assez 
Le langage qui le corrompt

Devrai-je convoquer 
Un hercule de foire 

Pour qu’il vienne le plier ?



[...]


(2012-2016)

samedi 8 octobre 2016

De l'album : SOMMATIONS AVANT OUTRANCE (Extrait) - Interprété sur de nombreuses scènes belges




[...]

J’appelle un chamallow 
J’appelle un chat ma langue 
Elle dit c’ que je n’ pense pas 
Et m’arrime à l’outrance 
Bord à bord à l’accro 
Un endroit où me mettre 
Et déposer mon verre 
Centilitres de tête 
Et l’ gosier corde raide 
Chargé de gueules de bois 


Au jeu des sept erreurs 
J’ai accouché sept fois 
Dans c’ jeu y a pas d’ perdant 
Que des videurs de couilles 
Des s’ coueurs de bingos 
Qui rêvaient d’ fiche leurs boules 
Six zéros après l’ tilt 
Et œuvrèrent à l’appart’ 
Où mon corps à Jemeppe 
Régla ses dernières traites 


Le fossoyeur qu’est du quartier 
Y m’aura pas connu en chair 
Y fréquente qu’ les trous du cimetièr


 J’ n’ai plus sur l’estomac 
Les vomissures exactes 
Des calendriers sûrs 
Je vous laisse en pâture 
Mon aîné préféré 
Cabot vocabulesque 
Sous-fifre d’égérie 
Il vant’ ra ma nature 
Mon gabarit canette 
Taille trente-trois qui dit mieux ? 


Cresson roux pain perdu 
Le lait blanc de mon cul 
Méritait la baratte 
Ou d’ virer culinaire 
Gastronome et cuillère 
Quand je battais sa sœur 
Il léchait la crémière 
En cachette de son père 
Et moi l’argent du beurre 
N’est-c’ pas le rôle d’une mère ?

[...]



(Texte partiellement enregistré 
durant l'émission L'Invitation )





dimanche 25 septembre 2016

CYPRIN (Extraits)



Elle peut s’évertuer tant qu’elle voudra à me parler de tenue estivale et d’une chaleur poisseuse qui colle aux cuisses, je ne refuserai toujours à croire qu’elle n’a pas conscience qu’en allant jambes nues jusqu’aux genoux il suffirait aux mecs de se coucher par terre pour mâter sous sa jupe.

♥♥♥♥♥♥

Ne se dit-elle artiste que pour mieux travestir notre réalité ou me vider de ma substance – je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit ne voilà-t-il pas que, non contente de fréquenter des monstres en mal d’affection dont elle tire le portrait au fusain, pour les besoins d’un prétendu scénario elle s’est mise en tête de suivre des hommes dans la rue. Des gueules épouvantables qui exercent sur elle une fascination, dite artistique, que j’ai intérêt à partager, sous peine de me gagner l’impersonnel mépris qu’elle réserve à quiconque s’avérerait incapable d’apprécier l’esthétique de la monstruosité. Des mecs chaussés de souliers rouges trop grands pour eux ou coiffés de bonnets jaunes enfoncés sournoisement jusqu’aux oreilles. Des lopettes que la plus infime merde de chien terrorise et qui avancent en décrivant des entrechats pour les éviter – avec, malgré cela, l’air de savoir où ils vont. Des pieds bots. Des édentés. Des chauves. Des coxalgiques. Des rouquins. Soit un pandémonium inquiétant dont la plasticité filmique ne m’apparaît pas aussi spontanément qu’à elle. Ne suis-je pas par nature assez laid pour devenir enfin sa principale source d’inspiration ? Et bien que je sois pour elle résolu à toutes les transformations accentuant mes disgrâces, m’est-il absolument nécessaire de porter des souliers rouges, voire un faux-nez surmonté de petites lunettes cerclées de noir, pour être montré du doigt et désigné comme bête de foire dès que je pointe le nez dehors ? Serait-ce que non contente ce m’avoir à demeure elle cherche un acteur pour jouer mon rôle lors des scènes de ville ?

♥♥♥♥♥♥

Il y a longtemps que je m’évertue plus à découvrir si elle est vraiment désireuse de faire l’amour à n’importe quelle heure du jour et en pleine clarté les fenêtres ouvertes ou s’il s’agit d’une ruse de sa part pour calquer le rythme de nos grincements de sommier sur celui des coups sourds de marteaux – qui font vibrer le toit et les murs de la chambre – aux manches desquels s’accrochent assurément une nuée de maçons musculeux et en sueur. 



(2010-2011)

lundi 12 septembre 2016

très tôt il fut jeté aux chiens (Extrait 3) - Publié dans la défunte Revue Métèque

[…] Les autres étaient pour la plupart d’obscurs courtauds aux traits vaguement précolombiens qui servaient de chair à tout faire et n’étaient sexuellement convoités que pour être loués au poids par camions entiers à des programmateurs de soirées sado-masos alors que moi, si j’avais accédé à l’insistance du boss, il m’aurait exhibé partout et dans toutes les orgies du milieu pédéraste et m’aurait présenté comme une sorte de flamand rose venu d’ailleurs ou un héron auquel les défauts conféraient une valeur exotique. Le traiteur sans doute m’eut-il tenu en laisse ou sur son épaule pour s’assurer que tout le monde jalousait son acquisition. C’eut été sensiblement le même topo avec le fils de l’imprimeur – si je ne l’avais pas planté là en pleine rue – sauf qu’avec lui j’aurais connu l’existence plus raffinée d’une plante grasse et j’aurais reçu en son appartement d’amant et maître les visites de vieillards chevrotant, certes appuyés sur des cannes tant leurs colonnes vertébrales avaient encaissé d’à-coups mais qui seraient venus m’admirer en bavant et avec une envie de me rempoter – insatiable. Par contre, le fait de me frotter à la Tsila était non seulement préjudiciable à ma réputation mais encore à mon intégrité physique. Le gargotier n’avait ni pouvoir ni entregent et, conséquemment, tout ce qu’il manipulait était irrémédiablement putréfié et transformé en putain du Hameau ou en béance populaire dans laquelle les équarrisseurs se déchargeaient les couilles sans même retirer leurs hautes bottes et leurs cirés blancs à leur retour de l’abattoir. Et si ce n’était la fatigue qui les tenait transis dans sa pesante opacité, ils s’en seraient donnés à cœur-joie. Quant à la souillure qu’occasionnait la Tsila, je n’avais qu’à songer à Gato qui suite à son passage chez lui n’avait plus trouvé nulle part de l’emploi mais des quolibets et des doigts toujours prompts à s’enfoncer dans son cul sur le ton de la plaisanterie et avec l’air de ne pas y toucher et avait dû se résigner à accepter un poste de veilleur de nuit dans un poulailler de batterie d’une des plus importantes exploitations avicoles de la région qui lui réglait son salaire en petits clous et en croûtons. Ce qui le contraignait à des trocs infâmes et à perte chez un ferblantier du Hameau et avec un éleveur de palmipèdes qui profitait de la situation pour le violer jusqu’à avoir la chiffe molle et détrempée comme le pain des canards avant de lui refiler quelques deniers de misère qui lui serviraient à s’acheter un kilo de soufflé de couenne de lard qu’il mâchonnerait la nuit suivante en faisant sa ronde entre les cages avec la cire d’une demi bougie lui brûlant le poignet et les doigts. […] 





(2014-2015)